50 milliards pour l'Ukraine et peanuts pour les agriculteurs !

La colère des agriculteurs est un phénomène qui s'est largement développé dans la plupart des pays de l'Union européenne. Commencé aux Pays-Bas et en Pologne, il est passé en Allemagne, Autriche, Roumanie, France, Italie, Belgique, etc. Ce qui tend à montrer que le malaise est bien dû à la manière dont la politique agricole est gérée au niveau de Bruxelles. Pourtant la Politique agricole commune (PAC) représente plus de 33% du budget européen, atteignant 58,3 milliards € en 2022. Mais le problème réside dans le fait que les grandes entreprises de l’agro-business et les latifundiaires se taillent la part du lion, ne laissant que des miettes aux petits et moyens agriculteurs. Ce qui précède n’excluant évidemment pas la part de responsabilités des gouvernements nationaux et/ou régionaux dans l'appauvrissement systématique du monde rural.

La revendications des agriculteurs en colère dans les rues de Bruxelles étaient claires. (Photo : Philippe Deweert)

Dans le cadre de l’absurde Green Deal dont nous avons dénoncé (bien seuls d'ailleurs) la nocivité dès sa création (1)(2)(3), les autorités européennes ont imposé aux agriculteurs des normes absurdes, tatillonnes et surtout susceptibles de les appauvrir. Pensons par exemple aux 4 % des terres à maintenir en jachère, à l'interdiction des pesticides, aux augmentations exorbitantes du prix du fioul, etc. Quand on ajoute à cela des formalités administratives particulièrement lourdes imposées cette fois par les gouvernements nationaux et/ou régionaux, on comprend aisément le colère des agriculteurs.

Porte ouverte à des produits non soumis aux mêmes normes

Comme si cela ne suffisait pas, la Commission européenne voulait aussi signer un traité de libre-échange avec le Mercosur. Ce dernier aurait permis à ses membres (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) d'inonder l'Union européenne de produits agricoles produits à bas prix par une main d’œuvre encore plus sous-payée qu'en Europe. Et évidemment sans respecter les très lourdes et inutiles obligations environnementales imposées par le funeste Green Deal. Ce faisant la Commission européenne (non élue) tendait à imposer une concurrence déloyale aux agriculteurs européens. Qui doivent déjà supporter celle de l’Ukraine. La suppression des droits de douane accordée à cette dernière ayant déstabilisé complètement les marchés des céréales et des produits avicoles. Ce dont se plaignent, avec raison, les producteurs européens, en particulier polonais et français.

Les agriculteurs « roulés dans la farine » ?

Certes, les agriculteurs ont obtenu un certain nombre de concessions des autorités européennes. Mais il y a là un énorme piège. Les obligations évoquées ci-dessus ne sont que « reportées ». Donc pas abolies ! Ce qui veut dire que les fanatiques du Green Deal vont revenir à la charge quand le calme sera revenu. Il est certain que, d’ici un an ou deux, ils voudront quand même imposer leurs mesures absurdes.  Ce qui ne peut qu’à nouveau appauvrir les agriculteurs, tout en mettant en danger l'approvisionnement et l’indépendance nutritionnels de l'ensemble de l'Union. En clair : il est à craindre que les agriculteurs aient été leurrés par les autorités européennes

50 milliards supplémentaires pour l’Ukraine

Alors qu’ils essayaient de rouler les agriculteurs dans la farine, les dirigeants européens n'ont pas hésité à débloquer un budget de 50 milliards sur quatre ans au profit de l'Ukraine, au moment même où les agriculteurs manifestaient à Bruxelles. Ceci en plus des aides déjà accordées et des livraisons d’armes coûteuses. Soit 85 milliards € à ce jour (4). Le champagne a dû couler à flot du côté des oligarques ukrainiens, corrompus jusqu’à la moelle. Pour mémoire, selon Transparancy International, l’Ukraine est le pays d’Europe le plus corrompu, après la Russie. Et occupe la peu enviable 116e place dans le classement de corruption de Country Economy.

Les agriculteurs européens ne veulent pas d'une concurrence déloyale et l'on fait savoir aux abords du Parlement Européen ! (Photo : Philippe Deweert)

Comme nous l'avons souligné à diverses reprises, les sanctions imposées par l'Union européenne sont une erreur monumentale (5). Elles nuisent plus aux Européens qu’aux Russes. Il est aisé de le prouver. Il suffit de comparer le PIB russe à celui des principaux pays de l'Union européenne. En matière de croissance, les prévisions du FMI pour 2024 sont sans appel : +2,6% pour la Russie, +1,2% pour l’UE. On est loin de la prévision matamoresque de Bruno Lemaire affirmant que les sanctions allaient «mettre la Russie à genoux» ... Là aussi, nous avons prêché dans le désert en soulignant la nuisance d’une telle politique, même si des personnalités aussi respectables et compétentes que Jacques de la Rosière, ancien président du FMI, ont dit exactement la même chose (6). Mais malheureusement on ne voit pas de changement. Les pays européens continuent à soutenir aveuglément l'Ukraine et veulent encore imposer de nouvelles sanctions à la Russie. Alors qu’il est maintenant mathématiquement prouvé qu’elles nuisent plus aux Européens qu’aux Russes.

Errare humanum est, perverare diabolicum

Les dirigeants européens persévèrent donc à s'engager de plus en plus dans un conflit qui ne nous concernait en rien et qui risque fort, de toute façon, de finir par la confirmation de l'annexion du Donbass et de la Crimée par la Russie. Il est d'ailleurs absurde de prétendre aller "libérer" ces régions qui de tout temps ont été plus proches de Moscou que de Kiev. Ce que même Zelensky a reconnu dans un moment de lucidité.

Ce qui précède ne justifiant en rien l’agression russe de 2022, bien entendu. Il faut être clair à ce sujet.

Et le comble : via leurs impôts, les agriculteurs font évidemment partie des citoyens européens qui vont payer les 50 milliards accordés à l'Ukraine. Ceci sans parler des budgets accordés pour les milliards d’armements supplémentaires.

Un vote parlementaire SVP

On aimerait quand même que, dans chaque parlement national, il y ait un vote nominal au sujet de l’Ukraine, de manière à savoir quel(le) parlementaire approuve ou non de telles décisions. Il est intolérable que nos pays soient engagés dans ce qui ressemble de plus en plus à une guerre qui ne dit pas son nom sans que les représentants du peuple n’aient été entendus. Et obligés de se positionner clairement. Chacun pouvant ensuite se faire son opinion.

Jacques Offergeld

(1) Voir : «Brexit et scandale du green deal» 26/02/2020
(2) Voir «Quand Macron et Merkel relancent les industries asiatiques» 08/06/2020
(3) Voir «Le triomphe des passéistes» 30/10/2020
(4) Source : «Toute l’Europe» 02/02/2024
(5) Voir : «Un Chypriote vaut-il moins qu’un Ukrainien ?» 19/07/2022
(6) Voir : «L’ancien président du FMI : «Les sanctions risquent d’atteindre les «sanctionneurs» plus que les sanctionnés» 13/10/2020