Syrie : bombardements “bidon” ou massacre planifié ?

En avril dernier, les aviations et flottes américaine, française et britannique se sont livrées à d’importants bombardements sur la ville syrienne de Douma. Ceci en représailles à de présumés bombardements chimiques effectués par l’armée régulière syrienne contre les populations rebelles.

Le but de ces raids était officiellement de détruire des usines et ou/des dépôts d’armes chimiques. Qui, aujourd’hui, apparaissent aussi réels que les fameuses et fumeuses armes de destruction massive de Saddam Hussein qui n’ont jamais existé ailleurs que dans l’imagination d’un George Bush cherchant le prétexte dont il avait besoin pour lancer la calamiteuse Guerre d’Irak. Dont tout le Moyen-Orient continue, aujourd’hui encore, à subir les conséquences catastrophiques.

Quant aux bombardements occidentaux sur la Syrie, il est clair aujourd’hui qu’il n’ont touché que des savonneries et non des usines chimiques, ce qui aurait entraîné d’énormes dégagements de produits toxiques, susceptibles de tuer des milliers de civils syriens. C’est fort heureux, évidemment. Mais, en même temps, cela montre que les usines visées n’étaient en rien productrices d’armes chimiques. Et qu’une fois de plus, il a fallu mentir pour tenter de justifier une agression.

Alors qu’il a pratiquement gagné la guerre, Bachar el Assad n’avait aucun intérêt a utilisé des armes susceptibles de lui valoir des représailles occidentales. (Cop.sputnik.news)

La première question à se poser est :  Bachar el Assad serait-il devenu complètement fou ? En effet, alors qu’il a pratiquement gagné la guerre contre les rebelles, et les islamistes en particulier, on voit mal l’intérêt qu’il aurait eu à avoir recours à des gaz, arme dont il savait très bien qu’elle ne pourrait que lui attirer des représailles occidentales. C’eût été idiot. Et l’on peut peut-être reprocher beaucoup de choses au président syrien mais certainement pas d’être stupide. Il a montré son étonnante capacité à louvoyer et à rebondir au cours des cinq dernières années.

En revanche, les derniers rebelles encore actifs avaient, eux, tout intérêt à employer les armes chimiques et d’ensuite “faire porter le chapeau” au gouvernement légal. Ce faisant, il savaient qu’ils allaient donner un prétexte aux Occidentaux pour intervenir et éventuellement porter un coup au régime.

Encore eût-il fallu que les rebelles disposent d’armes chimiques, diront les sceptiques. C’est le cas. Selon plusieurs rapports indépendants (tant à l’égard de Damas que des rebelles), il apparaît qu’avant le démantèlement des arsenaux chimiques syriens, d’importants stocks d’armes ont mystérieusement disparu. Et seraient tombés entre les mains des islamistes. Il en a d’ailleurs été de même en Irak.

Qui ?

Deuxième question : des armes chimiques avaient-elles vraiment été employées contre les populations concernées ? Mme May et MM. Trump et Macron affirment en détenir les preuves. Très bien. L’ennui, c’est que le monde entier est obligé de les croire sur parole.

Pourquoi Emmanuel Macron n’a-t-il pas montré les preuves qu’il prétendait détenir ? (Cop. élysée.fr)

En effet, ils ont prétendu détenir ces preuves, mais on attend toujours qu’ils en fournissent au moins une. Et, au moment où ces lignes sont écrites, personne n’en a vu ne serait-ce que l’ombre. Là encore, la ressemblance avec le précédent irakien est troublante.
On admettra donc que toute personne raisonnable et un tantinet sceptique a le droit de se poser la question de la réalité de ces fameuses attaques chimiques.

Les Nations-Unies ? Pour la galerie !

Troisième question : de quel droit les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont-il agressé un pays souverain qui, que l’on sache, ne s’est livré à aucun acte hostile à leur égard ? Et est même leur allié objectif dans la lutte contre le terrorisme islamiste, vraie menace pour ces pays (ainsi que pour toutes les nations civilisées).
Comme il n’y avait de toute évidence aucune légitime défense, un mandat des Nations-Unies était donc bien le minimum pour justifier une intervention militaire. Mme May et MM. Trump et Macron ont pourtant cru pouvoir s’en passer. Interrogé sur ce point, le président français a justifié ce coup de force en affirmant que le Droit international ayant été bafoué, il était légitime de châtier le coupable. Ce faisant, il donne d’avance des arguments à tous ceux qui, sous couvert de violation du Droit international, voudront se faire justice eux-mêmes. Même s’ils ne fournissent aucune preuve tangible des faits qu’ils dénoncent.

Moscou est prévenu

Quatrième question : à quoi servent des bombardements dont on avertit préalablement le camp adverse ? Tout stratège sait que l’effet de surprise est un atout majeur dans n’importe quelle opération militaire. Or les Occidentaux ont aimablement prévenu les Russes de leurs intentions et cibles. Sachant qu’évidemment, l’état-major de Moscou s’empresserait de retirer ses ressortissants (militaires et civils) des points menacés Et de prévenir ses alliés syriens.

En prévenant le Kremlin, les Occidentaux perdaient l’avantage de l’effet de surprise mais montraient qu’ils ne voulaient pas d’affrontement direct avec les Russes.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette manière d’agir est néanmoins logique. Tout au moins, si l’on veut comprendre le message envoyé. Prévenir les Russes revenait à leur dire : “On ne veut pas de conflit avec vous. Nous voulons châtier Assad. Mais éviter de faire des victimes dans vos rangs. Nous ne sommes pas  vos ennemis et ne voulons pas entrer en guerre avec vous”. Ceci de manière à ne pas donner à la Russie des arguments susceptibles de lui donner prétexte à monter le ton.

Des monstres ou du vent ?

Cinquième question, probablement la plus fondamentale : les Occidentaux croyaient-ils vraiment qu’ils allaient bombarder des usines chimiques ou savaient-ils très bien que leurs cibles étaient sans intérêt stratégique ? Si la réponse est positive au premier point, cela prouverait soit que les trois dirigeants qui ont diligenté ces bombardements sont des monstres prêts à gazer inutilement des milliers d’innocents, soit que leurs services secrets sont d’une incompétence affolante. Ce qui, dans les deux cas, ne laisse pas d’inquiéter.
Si, au contraire, ils savaient très bien que les cibles visées étaient sans intérêt (ce que on peut espérer, sans en être certain), on peut se demander à quoi a servi ce déploiement de force. Et cette gabegie de missiles.

En effet, du côté russe, on peut raisonnablement tirer comme conclusion qu’il s’agit d’une simple gesticulation militaire et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure de ces (très bruyantes et coûteuses) rodomontades. Et, à la limite, du côté des Syriens, on  pourrait en conclure que même s’il venaient à réellement employer des armes chimiques (pour autant qu’ils en détiennent encore), les risques de représailles sérieuses seraient relativement minimes.

Politique internationale ou... sinistre comedia del arte ?

En fin de compte, on peut se demander à quoi ont réellement servi ces bombardements. A l’analyse, à pas grand chose. Si ce n’est montrer que les menaces occidentales ne sont pas vraiment crédibles et que les nouveaux missiles de la marine française ne sont pas très fiables, puisque cinq sur neuf ont raté leur cible.

Jacques Offergeld