OTAN-Turquie : le dilemme

La Turquie va-t-elle rester dans l’Otan et d’ailleurs y a-t-elle encore sa place ? La question se pose avec de plus en plus d’acuité depuis que ce pays a acheté des missiles antimissiles et antiaériens russes. Et envisage maintenant de doter son armée de l’air d’avions de combat russes, SU57 “Frazor”. La réponse logique devrait être négative surtout depuis qu’elle est gouvernée par un dictateur islamiste. Toutefois, la géostratégie oblige à plus de circonspection et impose sa loi incontournable : que cela plaise ou non, la Turquie contrôle le Bosphore.

En réalité, la Turquie aurait dû être sanctionnée depuis 1974, année où ses armées envahirent le Nord de Chypre, région qu’elles occupent encore aujourd’hui. Cela en violation du Droit international. Et, malgré des condamnations purement verbales, rien n’a jamais été fait pour les en expulser. Ce qui aurait pourtant pu être réalisé aisément en imposant des sanctions économiques lourdes à Ankara.

Missiles russes S400 (© Sputnik)

Forte de l’attitude veule des nations européennes et des Etats-Unis, la Turquie a pu tranquillement poursuivre ses actions illégales. C’est ainsi qu’en séjournant dans diverses îles de la Mer Égée, nous avons pu constater que l’armée de l’air turque viole régulièrement l’espace aérien grec.

Et voilà que tout récemment, Ankara n’a pas hésité à envoyer un navire d’exploration marine dans les eaux territoriales chypriotes pour tenter de mesurer les réserves pétrolières qui s’y trouvent. Pas plus qu’il ne respecte la démocratie dans son pays (voir l’annulation des élections à Istanbul), Erdogan ne se plie aux règles du Droit international. On peut même se demander ce qu’il complote contre Chypre pour s’emparer des gisements pétroliers de ce pays.

Menace sur l’OTAN

Si l’Europe et l’OTAN ont toujours fermé les yeux sur les exactions turques (et cela même avant l’arrivée au pouvoir d’Erdogan), aujourd’hui, on assiste à une escalade qui menace directement l’unité politique et plus encore l’unité d’action de l’Alliance atlantique. En effet, Ankara a décidé de doter son armée de missiles antiaériens et antimissiles S400 de fabrication russe. Les premières batteries devant être livrées en juillet prochain. Ce qui pose un problème de coordination dans la chaîne de transmission et d’unité d’armement de l’OTAN. Les États-Unis ont évidemment souligné le danger que cela présente mais, au moment où ces lignes sont écrites, non seulement Ankara ne veut rien entendre mais envisage même de franchir un pas supplémentaire (et de taille) dans le sens du “divorce” en dotant son armée de l’air d’avions russes SU57 “Frazor”. Ce qui compromettrait l’ensemble du système de partage des informations du système de communication IFF interne à l’OTAN et rendrait le système de reconnaissance d’avions ami/ennemi inopérant. De plus, cela permettrait aux Russes d’avoir indirectement accès au programme des avions F35 qui devraient être livrés à la Turquie et sont (et seront) en service dans les forces aériennes de nombreux pays de l’Alliance atlantique.

Le SU57 russe (© Sputnik)

Du travail pour les diplomates

La première réaction devant cette situation serait de considérer que ce pays est une puissance moyen-orientale, une dictature islamiste et est devenu non-fiable. Mais chasser la Turquie de l’OTAN l’affaiblirait considérablement sur son flanc sud-est et pourrait pousser Erdogan dans les bras de Poutine. Qui certes ne l’apprécie guère mais connaît aussi sa carte et sait donc que le Bosphore est un passage obligé pour la flotte de la Mer Noire voulant passer en Méditerranée.

Voilà de quoi donner de sérieux maux de tête aux diplomates des différentes parties...