L'Inde, La première source de diamants

Depuis l’Antiquité, l’Inde et ultérieurement Bornéo étaient les seules sources de production de diamants jusqu’en 1725,  année des découvertes des mines diamantifères du Brésil.Pline l’ancien est le premier qui nous en donne une description pour le moins «folklorique» dans son Histoire Naturelle. Il écrit dans son livre XX : “Le diamant, joie rare de l’opulence, réfractaire et invincible à toutes les violences (jusque là, pas de problème), se brise par l’action du sang de bouc)” (bizarre).

Connus pour leur beauté et leurs qualités "magiques", les diamants ont longtemps été des talismans et surtout des symboles de richesse, fort appréciés par les maharajas moghols et indiens. C’est grâce à la fameuse «route de la soie» que les pierres précieuses d’Extrême-Orient parvinrent à Venise puis à Bruges.

L’Inde était le plus ancien marché de pierres précieuses. Des diamants exceptionnels en sont venus, ornant les bijoux, couronnes et sceptres de tous les monarques européens.

La source des pierres précieuses était les mines mythiques dans le petit sultanat de Golconde, situé dans l’État indien actuel d’Andhra Pradesh. Egalement connue sous le nom de Gol konda (colline arrondie), ou Golla konda (colline des Bergers), c’est une citadelle au sud de l’Inde qui fut la capitale du sultanat médiéval de la dynastie des Qutb Shahi (1518 -1687). Elle est située à 11 kilomètres à l’ouest de Hyderabad.

Le fort de Golconde fut d’abord construit par la dynastie de Kakatiya dans le cadre de ses défenses occidentales le long du fort de Kondapalli. La ville et la forteresse ont été construites sur une colline de granit de 120 mètres de hauteur, entourée de remparts massifs. Le fort a été reconstruit et renforcé par Rani Rudrama Devi et son successeur Prataparudra. Plus tard, le fort est passé sous le contrôle des Musunuri Nayaks, qui ont vaincu l’armée Tughlaqi occupant Warangal. Il a été cédé par le Musunuri Kapaya Naidu au Sultanat de Bahmani dans le cadre d’un traité, en 1364.

Sous le sultanat de Bahmani, Golconde a lentement augmenté sa puissance. Le sultan Quli Qutb-ul-Mulk (1487-1543), l’établit comme le siège de son gouvernement vers 1501. Le pouvoir bahmani s’est progressivement affaibli pendant cette période, mais le sultanat de Quli devint tout de même officiellement indépendant en 1538. L’établissement de la dynastie Qutb Shahi étant situé à Golconde. Sur une période de 62 ans, le fort a été étendu par les trois premiers sultans Qutb Shahi dans sa structure actuelle, c’est-à-dire une fortification massive de granit. Golconde est restée la capitale de la dynastie Qutb Shahi jusqu’en 1590, année où la capitale a été transférée à Hyderabad. Le Qutb Shahis agrandit le fort, dont le mur extérieur de 7 kilomètres enfermait la ville.

Le fort est finalement tombé en ruines en 1687, après un long siège de huit ans. La ville passant alors, après la prise du fort,  entre les mains de l’empereur moghol Aurangzeb.

L’important témoignage de Tavernier

Golconda était autrefois le «coffre-fort» des maharadjas, un château fort dont les vestiges peuvent encore être visités aujourd’hui. Golconda est souvent mentionné par Jean Baptiste Tavernier, négociant renommé en pierres précieuses ayant accompagné six fois les caravanes de la route de la soie. Marchand français mais d’origine anversoise, Jean-Baptiste Tavernier put admirer les trésors des puissants monarques Moghol. Il ramena entre autres le fameux diamant bleu, qu’il vendit à Louis XIV. La pierre reçut le nom de «Grand diamant bleu de la couronne de France» ou de «French blue». Malheureusement, la pierre disparut pendant la Révolution, lors du fameux “vol du garde-meuble” en 1792. La pierre réapparut, retaillée, sous le nom du banquier Hope. Le Régent, aussi disparu lors du même vol et provenant de la mine de Partial, sera heureusement retrouvé.

Le Grand Moghol découvert en 1650 dans la mine de Kollur disparaît lors de combats internes, mais plus tard, réapparaît une pierre similaire plus petite, qui sera baptisé l’Orloff.

Le Shah, aussi originaire de la région de Golconde, est exposé au musée du Kremlin.
Le Nizam de taille briolette de 277 carats qui aurait été brisé lors d’une révolte, provenait de la même région, tout comme le Darya-I-Nur, diamant rose clair de 190 carats. Le Nassak de 90 carats, le diamant rose Agra, le Dresden green ainsi que le Beau Sancy, ont tous été découverts dans le site historique.
Tavernier décrit le Koh-I-Noor qui provient lui aussi de la région de Golconde et en fait un croquis, la pierre sera sertie après retaille dans les joyaux de la couronne d’Angleterre
Au début du XVIIIe siècle, la région de Golconde était essentiellement exploitée pour les plus belles qualités. En fait, pour de nombreux Européens qui ont vu les diamants, le nom de Golconde est devenu depuis synonyme de gemme, de pierres supérieures.

Un type très rare de diamant

La réputation de Golconda reposait en grande partie sur le fait que les mines produisaient une part importante d’un type rare de diamant, connu sous le nom de type IIa. Qui représente seulement 2% de la production mondiale de diamants.

Les diamants du type IIa ne contiennent pratiquement pas d’azote, tandis que les autres, du type Ia, soit les 98% restant, contiennent des petits groupes ou agrégats d’azote.
Actuellement, l’on ne sait pas exactement quel était le pourcentage de diamants type IIa extraits de Golconde, ou même de quelle mine spécifique de la région ils provenaient. Mais nous savons que Golconde était la source de la plupart des diamants les plus célèbres que l’on retrouve aujourd’hui dans les musées ou dans des collections privées.

Il y a deux éléments qui font que ces diamants IIa aient plus de valeur que les diamants incolores type Ia.  D’abord, le statut prestigieux, historique, de ces pierres qu’on appelle parfois à tort “plus blanc que blanc” ou «super D”, en raison du manque d’azote à l’échelle de la maille élémentaire. En plus, la couleur «Golconda» serait plus blanche qu’un type de couleur D classique et aurait tendance à être plus transparent. Une belle eau, terme utilisé par les bijoutiers du siècle passé et qui n’est pas démontré pratiquement. En fait, c’est Tavernier qui a utilisé le terme pour décrire les diamants, les pierres précieuses et les perles exceptionnellement transparentes. Mais l’Inde n’est pas la source exclusive de diamants type IIa, d’autres régions diamantifères produisent elles aussi, ces diamants extrêmement rares.  Quoi qu’il en soit, le fait est que les diamants type IIa ont une plus-value d’environ 15% comparés à la même pierre du type Ia. La différence étant pourtant seulement visible en spectroscopie dans l’infra-rouge.

Eddy VLEESCHDRAGER